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Geai des chênes : pourquoi mérite il mieux que le statut ESOD ?
Le geai des chênes (Garrulus glandarius) est un oiseau familier des forêts et des lisières en France. Bruyant, coloré et extrêmement mobile, il est souvent perçu comme un simple « nuisible ». Pourtant, son rôle dans le maintien et la régénération des chênaies en fait un acteur clé des milieux forestiers — notamment dans le Vaucluse où chênes et bocages sont des éléments structurants des paysages.
Un semeur naturel essentiel
À la fin de l’été et en automne, le geai collecte des glands en grand nombre pour les stocker en prévision de l’hiver. Une partie importante de ces glands est oubliée ou non retrouvée : ils germent ensuite et donnent naissance à de nouveaux chênes. Par ce comportement, le geai joue un rôle déterminant dans la dispersion des chênes sur de longues distances et dans la résilience des forêts face aux changements (climatiques, perturbations, mortalité d’arbres). Certaines études et synthèses estiment qu’un seul geai peut enfouir plusieurs milliers de glands par an, contribuant ainsi à la régénération forestière à large échelle.
Importance locale : pourquoi le Vaucluse en bénéficie
Les milieux méditerranéens du Vaucluse (chênaies, ourlets arbustifs, lisières) profitent directement de l’activité du geai. Il aide à connecter les îlots boisés, favorise la recolonisation d’espaces ouverts par les chênes et participe à la création d’habitats (microbois, structures pour la faune). Des inventaires départementaux et documents d’études locales signalent sa présence et son rôle écologique, en particulier autour des zones de moyenne montagne et des massifs boisés de la région.
En Vaucluse l’espèce en ESOD dans tout le département :

Carte crée par l’ASPAS : lien vers leurs site pour en savoir plus sur leurs actions.
Pour aller plus loin l’ASPAS a fait un article à ce sujet : https://www.aspas-nature.org/le-geai-des-chenes-le-superheros-des-forets-de-demain/
Statut de conservation : abondant mais… classé ESOD localement
Au plan national et européen le geai est classé « Least Concern » (préoccupation mineure) et reste une espèce assez commune et adaptable. Cependant, en France, le geai figure sur la liste des ESOD (espèces susceptibles d’occasionner des dégâts) dans plusieurs départements — ce classement permet des prélèvements ou destructions locales par arrêté préfectoral ou par des opérations justifiées par des dégâts. Dans le Vaucluse, le geai est présent dans la liste ESOD du département.
Pourquoi le classement ESOD est problématique pour l’écosystème
- Mesures létales ou de régulation facilitées — le statut ESOD autorise, sous conditions, des mesures pouvant aller jusqu’à la destruction, ce qui met en danger des populations locales alors que l’espèce n’est pas menacée globalement.
- Preuve d’impact insuffisante — la littérature scientifique montre souvent un manque de preuves solides que les prélèvements d’espèces « ESOD » réduisent réellement les dégâts agricoles ou facilitent les objectifs annoncés. Des revues récentes pointent l’absence d’évaluations rigoureuses avant et après prélèvement pour mesurer l’efficacité de ces actions. Cela est particulièrement sensible pour une espèce au rôle écologique positif comme le geai. Pour aller plus loin.
- Effet domino sur les habitats — réduire localement une espèce dispersive de graines peut compromettre la régénération naturelle des chênes et donc la résilience des formations boisées face à la sécheresse, aux incendies ou aux maladies.
Plaidoyer pour le déclassement (ou au moins pour des mesures très encadrées)
Plutôt qu’une gestion par prélèvement, il est préférable d’adopter une approche fondée sur la science et la prévention :
- Évaluer précisément les dégâts réellement causés (quantitatif et qualitatif) avant toute mesure.
- Privilégier des alternatives non létales : protections ponctuelles des vergers, filets, dispositifs de limitation de l’accès aux zones sensibles, compensation par pratiques culturales.
- Renforcer la surveillance écologique et le suivi des populations locales (comptages, suivi de la régénération des chênes).
- Sensibiliser les acteurs locaux (agriculteurs, élus, grand public) au rôle du geai et aux services écosystémiques qu’il rend.
Ces démarches permettraient de concilier réduction de dommages ponctuels et protection d’un service écosystémique majeur. La littérature et des rapports récents encouragent une remise à plat des politiques ESOD quand l’efficacité des prélèvements n’est pas démontrée
Conclusions et propositions concrètes pour le Vaucluse
- Demander un déclassement départemental du geai de la liste ESOD (ou, à minima, un moratoire sur les prélèvements en attendant une évaluation scientifique indépendante).
- Monter un protocole d’évaluation (avant/après) pour mesurer effectivement les dégâts et l’impact des mesures.
- Promouvoir des alternatives non létales et soutenir financièrement les protections pour les exploitations affectées.
- Valoriser le rôle du geai dans les documents de gestion forestière et dans les actions de sensibilisation (communes, parcs naturels, associations).
Le geai des chênes n’est pas seulement un « oiseau bruyant » : c’est un ingénieur écologique discret qui plante des arbres et soutient la santé des forêts. Le traiter partout comme une nuisance par défaut est une erreur de gestion qui risque d’appauvrir nos paysages et de fragiliser des écosystèmes indispensables, y compris en Vaucluse.