Un vote de pure forme est venu changer la hotte du Père Noël en gibecière : à l’intérieur, un nouvel arrêté préfectoral entérinant la prolongation de la chasse pour le lièvre et le faisan.
Le Président de la fédération des chasseurs de Vaucluse l’a demandé le 18 décembre 2020 à la Direction Départementale des Territoires (DDT). Le jour même, celle-ci y répond en soumettant à la Commission Départementale de la Chasse et de la Faune Sauvage (CDCFS) un projet d’arrêté préfectoral prolongeant la chasse de deux espèces :
- celle du lièvre, au-delà du 25 décembre jusqu’au 3 janvier ;
- celle du faisan, au-delà du 10 janvier jusqu’au 31 janvier.
Cet empressement n’est pas spécifique au Vaucluse. De nombreux autres départements ont, dès le début du mois de décembre 2020, répondu favorablement à une demande similaire de leurs chasseurs.
France Nature Environnement Vaucluse note que le président de la fédération départementale vauclusienne a pris le temps de la réflexion avant d’adapter un courrier probablement fourni par la fédération nationale. C’est tout à son honneur.
Un vote au résultat sans surprise
La CDCFS devait se prononcer, via l’électronique, entre le 19 et le 23 décembre. Compte tenu de la composition de la commission, ce vote s’annonçait comme de pure forme. Et le nouvel arrêté préfectoral, publié et signé le jour-même de la clôture du vote, ce 23 décembre, est venu aussitôt confirmer nos estimations. Sans surprise, il entérine la prolongation de la chasse pour le lièvre et le faisan. Juste à point nommé pour rejoindre la hotte-gibecière du Père Noël des chasseurs.
Cet arrêté pourra « être contesté dans les deux mois qui suivent sa publication au recueil des actes administratifs de la préfecture de Vaucluse devant le Tribunal administratif de Nîmes. » Espérons que lièvres et faisans ont le sens de l’humour !
La position de FNE Vaucluse
FNE Vaucluse a envoyé le texte qui suit à la CDCFS, dans le cadre de sa participation à la consultation électronique.
Sur le principe
« Ce nouvel arrêté modifiera celui du 25 mai 2020 portant ouverture et clôture de la chasse pour la campagne 2020-2021 dans le département de Vaucluse. Ce document, rédigé annuellement, ne doit rien au hasard. Tout au contraire il essaye, après discussions, de trouver le meilleur compromis possible entre des objectifs contradictoires : les exigences d’une espèce pour sa survie sur un territoire donné, le désir de loisirs cynégétiques d’une petite partie de la population et la limitation de dégâts causés par la faune aux exploitations agricoles.
Les conséquences du premier confinement constituaient un facteur supplémentaire et nouveau dans la discussion. L’arrêté préfectoral du 25 mai dernier en tenait compte.
Le deuxième confinement a eu des conséquences sur l’activité de chasse. Dès le 28 novembre un arrêté préfectoral venait les atténuer en autorisant des dérogations importantes (article 5 : « Lors de la chasse individuelle à l’affut ou en battue du sanglier, le tir des espèces soumises à plan de chasse et du renard est possible dans le respect de la règlementation en vigueur »).
Les chasseurs demandent aujourd’hui une compensation supplémentaire.
Par principe, FNE Vaucluse est défavorable au fait de modifier, sans discussion ni autre besoin que celui de limiter la frustration de certains chasseurs, un document consensuel. «
En ce qui concerne le lièvre :
La population de lièvres dans le département atteint à grand peine un équilibre précaire. Il serait judicieux de la laisser souffler. D’autant que cette espèce à densités de populations relativement faibles, et à large rayon d’action diffus, fait peu de dégâts.
Chez nos voisins, des voix s’élèvent contre la dérogation qui prolonge la chasse au petit gibier. Ainsi dans l’Aude, des sociétés de chasse rappellent les fondamentaux : « On ne tire pas sur un gibier qui se reproduit, c’est la base (…). Tuer une hase avec des petits revient à tuer 4 ou 5 lièvres avec à terme une raréfaction de cette espèce ». (Extrait d’un article paru sur l’indépendant.fr)
L’Aude n’est pas le Vaucluse, qui n’est pas non plus le Pas-de-Calais. Avant de proposer un arrêté tout fait, qui met tous les départements de France métropolitaine à même enseigne, il aurait fallu se donner du temps pour échanger autour de l’état des populations de lièvres sur notre territoire.
On n’a pas pris ce temps et le nouvel arrêté est un cadeau de l’État aux chasseurs. Il ne prend pas en compte la faune. Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à la prorogation de la chasse au lièvre au-delà du 25 décembre.
En ce qui concerne le faisan :
Pour la chasse au faisan, le président de la fédération départementale de Vaucluse justifie sa demande par « l’engagement des chasseurs dans la régulation des prédateurs » et (surtout ?) par la nécessité de « permettre aux éleveurs de gibier de limiter les pertes financières (…) la plupart d’entre eux se retrouvant avec des stocks importants ».
Le 6 novembre 2020, la dernière réunion plénière de la CDCFS a été l’occasion de rappeler que l’Influenza aviaire hautement pathogène qui sévit actuellement impactait le Vaucluse. Les chasseurs étaient appelés au civisme et à l’adaptation de leur activité du fait de cette situation redoutable. Dans un courrier du 25 novembre, relayé par la fédération vauclusienne dans sa rubrique « Flash Info », la Fédération Nationale de la Chasse (FNC) évoquait néanmoins les mesures dérogatoires obtenues « (Elles sont) limitées aux lâchers de galliformes » ; « Le responsable de la société de chasse doit s’engager sur les points suivants : (…) les lâchers doivent précéder une action de chasse ; les oiseaux seront tirés immédiatement après le lâcher et dans des quantités importantes (…) »
Lorsqu’il s’agit juste de faire un carton sur du faisan d’élevage, on est plus proche du sketch « Les Chasseurs » et de son célèbre lâcher de galinette cendrée (Les Inconnus, 1991) que du noble art de la chasse !
FNE Vaucluse est défavorable à la prolongation de ses tueries inutiles, donc à la prorogation de la chasse au faisan au-delà du 10 janvier 2021
Depuis plusieurs semaines, le produit des élevages de gibier « sauvage » est écoulé via les grandes surfaces. Mais, puisque les sociétés de chasse se préoccupent de la santé économique de leurs éleveurs, nous leur proposons d’acheter directement les faisans tués et de les répartir entre leurs adhérents.
Ainsi, personne ne rentrera bredouille, tous feront des économies de cartouches, de santé en limitant l’ingestion de plomb, et de dentiste en évitant de le croquer. »