Quand l’eau manque en été, quand prairies, cultures et bétails se dessèchent autour de nous, une évidence semble s’imposer. Il faudrait la stocker en hiver, lorsqu’elle tombe en abondance, au moyen de retenues collinaires. Une idée simple, défendue par la FNSEA, comme par notre ministre de l’agriculture qui fustige « la palanquée de recours » s’opposant aux projets de « bassines ». Tous taisent au passage que ces « modestes installations » occupent parfois plusieurs hectares. Nourries un peu par les précipitations hivernales, elles recourent beaucoup au pompage dans les nappes souterraines et les cours d’eau. Elles sont aussi lourdement subventionnées. Au final, elles peuvent s’avérer un remède pire que le mal.
Les hydrologues mettent en garde
Les retenues collinaires sont une « solution à très court terme », soulignent les hydrologues. Ils rappellent la nécessité de laisser les pluies de l’hiver recharger les nappes souterraines. Les sols naturels filtrent gratuitement, recueillent sous forme de nappe puis restituent par l’intermédiaire des sources, l’eau des précipitations. L’on peut donc s’interroger sur l’intérêt de stocker, en surface et à grand frais, de l’eau qui va s’évaporer et croupir. Moins d’eau sous terre, c’est moins d’eau rendue aux sources, donc plus de sécheresse. Répondre à la multiplication des étés caniculaires, par la multiplication des stocks en surface, ne peut qu’assécher tout le système. Nos voisins Espagnols en font l’amère expérience : dans les régions les plus équipées de barrages, les sécheresses sont deux fois plus intenses et plus longues.
Les associations de préservation de l’environnement luttent
France Nature Environnement a payé sa ferme opposition à ces infrastructures de la mort de l’un des siens. À Sivens et Caussade, recours en justice et manifestations rappellent le nécessaire partage d’une ressource hydrique plus rare et de moins en moins bonne qualité. Les associations de préservation de l’environnement sont nombreuses à défendre ce point et s’associent à notre lutte.
La biodiversité, victime des « bassines »
Outre leur inanité et leur coût, ces retenues sont redoutables pour la biodiversité. Elles entrainent des modifications des écoulements et des transits de sédiments (sables, graviers…) ainsi que des déplacements des poissons. A l’aval des ouvrages, l’aquafaune voit ses habitats et ses conditions de température bouleversés, sa vulnérabilité aux pollutions accentuée. Le déstockage soudain d’eau, ou «éclusée», simule des crues. Elles accentuent l’érosion et peuvent faire mourir les poissons par noiement/dénoiement des zones de frayère.
Autant de risques qu’il serait peu judicieux de prendre au moment où le Comité français de l’union internationale pour la conservation de la nature et le Muséum national d’histoire naturelle, publient des chiffres inquiétants. Sur 80 espèces de poissons d’eau douce présentes en France métropolitaine, 15 sont menacées de disparition. En cause la dégradation, voire la destruction, des milieux naturels (juillet 2019)
En conclusion
Nous laissons la conclusion à Christian Amblard . Son constat est d’une sévérité sans appel :
» Les retenues d’eau assèchent les tronçons de rivières situés en aval, détruisent les écosystèmes, noient les zones humides. (…) C’est donc une hérésie totale de faire passer les ressources en eau souterraines en surface, au profit de seulement 6 % des terres équipées pour être irriguées. »
Christian Amblard, hydrogéologue, directeur de recherche honoraire au CNRS
Nous soutenons aussi depuis longtemps, ce point de vue de Florence Habets :
« augmenter nos capacités de stockage avec l’idée que nous pourrons poursuivre les mêmes activités, les mêmes cultures aux rendements fantastiques, est un leurre. »
Florence Habets, chercheuse en hydrométéorologie, directrice de recherche CNRS et professeure attachée à l’Ecole normale supérieure, dans un entretien au Monde, été 2019
Pour aller plus loin : « les barrages, fausse solution au dérèglement climatique » (FNE) et « Face à la sécheresse, les retenues d’eau artificielles, une solution de très court terme » (Martine Valo, Le Monde, 8 août 2020)
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« Sivens, définitivement inutile ! » 13 juillet 2016.