La fermeture des papeteries de Malaucène laisse à l’état de friche un territoire conséquent de 37 ha.
Selon le maire de la commune il convient d’adapter ce territoire à l’accueil des touristes, en démolissant les bâtiments sinistrés et en construisant hôtels et villas.
Une vague indignée d’opposants crie au scandale patrimonial et au massacre environnemental.
L’architecte des bâtiments de France liste une longue série d’éléments patrimoniaux à restaurer et sauvegarder.
Le promoteur belge promet à chacun ce qu’il veut entendre et ne s’engage par écrit sur aucun phasage des travaux qu’il envisage. Il reconnaît avec franchise qu’il n’est pas un Bon Samaritain et que la mise en œuvre des opérations de déconstruction dépendra de la vente des premières constructions.
FNE Vaucluse, témoin et parfois acteur de l’évolution du dossier en raison de sa participation aux différentes commissions départementales auxquelles il a été présenté, a décidé l’aller se faire une idée sur site.
Un tout petit peu d’histoire
Nous rappellerons seulement que la source Vauclusienne du Groseau se situe là et que les eaux généreuses du ruisseau traversent le site.
Il y a donc de l’eau en abondance ainsi qu’une végétation prospère : le tout attire les hommes depuis des millénaires, permet des activités agricoles et industrielles, fait rêver de repos et de méditation.
La première construction « en dur », si l’on excepte l’aqueduc romain qui emmène les eaux du Groseau à Vaison et probablement quelques moulins, est un vaste monastère. Le pape Clément V en fait sa résidence d’été dans les toutes premières années du XIVe siècle. Peu après, autre touriste célèbre, Pétrarque, passera par là.
Du vaste ensemble conventuel ne subsistent que deux chapelles imbriquées (XIe et XIIIe siècles), classées monument historique en 1853.
Ce classement est concomitant
– de l’essor industriel de Malaucène qui voit son Groseau s’harnacher de fabriques en tout genre : moulins à huile, à farine, à foulon ; filatures et bien sûr la papeterie, attestée dès 1545, dont la fermeture définitive en 2009, assortie du licenciement de 211 personnes, a traumatisé le village.
– De l’essor touristique, tout particulièrement du fait d’un tourisme local.
Visite du site
La géographie des lieux et la disposition des constructions, différencient un site haut et un site bas.
Ce qui saute aux yeux, sur les deux sites, c’est l’importance des bâtiments existants.
La chose est particulièrement vraie pour le site bas ; passée une entrée solennelle, que les bâtiments de France demandent de préserver, le nombre des hangars est impressionnant. Leur délabrement, lié aux intempéries et au pillage, est dramatique. Rien de l’outil de travail n’a été sauvegardé, et tout ce qui pouvait être vendu comme métal, depuis les escaliers jusqu’aux portes, l’a été. Un grand bâtiment est amianté. Il n’est pas besoin d’être du métier pour imaginer le coût faramineux de la déconstruction.
Le site haut est, de l’avis de tous, hautement patrimonial.
Ce qui ne l’a pas empêché d’être traversé purement et simplement par une route, celle qui, depuis 1934, désenclave le site et conduit au Mont Ventoux. De toute évidence, la route ne s’est embarrassée ni de la présence des ruines du monastère, ni de celle des chapelles classées !
Autre exemple du moindre intérêt autrefois porté aux vestiges patrimoniaux, la tour de cette résidence papale qui, de l’autre côté de la route fait face à la chapelle, a été intégrée à une habitation privée plus récente. Lorsque l’on est au bord du Groseau, cette maison contemporaine est dans le cône de vue de la chapelle, ce qui ne serait probablement plus admis aujourd’hui
Enfin une petite centaine de mètres à peine séparent la chapelle de la papeterie historique, dont il faudra restaurer et garder le bâtiment, de deux hangars, aussi affreux qu’immenses, et de la maison du directeur, à restaurer et garder. Heureusement, une forte déclivité du terrain diminue la covisibilité.
Le projet
Plus que conséquent, il prévoit, dans la partie basse, un hôtel 4 étoiles plus 70 « appart’hôtels » et 5 maisons individuelles.
Sur la partie haute, 27 appartements sont programmés, ainsi que 3 hameaux composés de 34 maisons ou appartements et 15 maisons individuelles.
Problèmes majeurs : Pour ce projet gigantesque construit dans un endroit sensible, aucune maquette, aucune photo montage ou visualisation 3D ne sont visibles …et le phasage des travaux est inscrit dans le flou plus que dans la convention qui lie le promoteur à la commune
7 ha seront restitués à la commune, qui projette de restaurer un mur-aqueduc historique et un canal, de renaturer le Groseau et de lui rendre son ancien lit.
L’avis de FNE Vaucluse
Une des clés de compréhension de ce projet réside dans le traumatisme de la fermeture de la papeterie. Faire disparaître ce qui ravive la plaie malaucénienne est une nécessité psychologique avant d’être justifié par un besoin économique, une exigence de sécurité publique ou une aspiration à retrouver la beauté originelle du lieu :
La nécessité de démolir ce qui ne peut être réhabilité fait consensus.
L’ampleur de la déconstruction en fait un gouffre économique.
Un constat qui a amené le maire à se tourner vers un promoteur privé dont beaucoup appréhendent qu’il ne recherche que la rentabilité financière et que « les promesses n’engagent que ceux qui y croient »
Nous sommes de ceux là, et ce que nous connaissons d’une convention
– déséquilibrée,
– accordant plus de droits que de réelles obligations au promoteur,
– restant floue sur la destination finale de certaines constructions (tourismes ou habitation individuelle),
– ne liant pas réellement la phase constructions sur la partie haute à la phase démolition-reconstruction de la partie basse,
a confirmé cette crainte.
Notre crainte est tempérée :
– par la configuration du terrain, qui permet une bonne insertion paysagère des constructions
– par la vigilance de l’architecte des bâtiments de France qui s’est clairement emparé du dossier
– par l’intérêt du maire, ancien de la papeterie, pour le site
– par la présence d’un groupe d’opposants au projet, qui ne laisseront passer aucun dérapage !
La fédération veillera tout particulièrement :
– lors de la mise en œuvre des constructions, aux méthodes d’excavation et d’évacuation des terres (qui devront tenir compte des résiduels de pollution)
– au phasage des travaux,
– à la déconstruction rapide du bâtiment amianté du site du bas, et à la construction de l’hôtel,
– au traitement des déchets de déconstruction,
– à la rétrocession prévue des 7 ha de terrain, à leur répartition et situation sur le territoire
– au réaménagement des espaces naturels.
Au vu de l’évolution du projet et de la présentation qui lui en a été faite, FNE Vaucluse a demandé à faire partie du comité de suivi.