Crédit photo: Collectif RENARD grand Est
En 1988, un arrêté ministériel établit la liste des animaux nuisibles en France. Le renard y figure ; 30 ans après, alors que la rage qu’il pouvait transmettre à l’homme a disparu du territoire national, il y figure toujours (la belette et la marte s’en sont échappées en 2008)
Il est pourtant démontré que le renard est un auxiliaire précieux (et gratuit !) de l’agriculture, qu’il est capable de réguler sa population en fonction de la capacité du territoire à le nourrir, que diminuer le nombre des individus sur un espace donné augmente la prévalence des maladies qu’il peut transmettre.
Le renard revient sur le devant de la scène :
– en cette année censée faire de la biodiversité une « priorité gouvernementale », le gouvernement fait un geste : le renard, comme les autres espèces de la liste, ne sera plus classé « nuisible » mais « susceptible d’occasionner des dégâts » (Projet de décret portant diverses dispositions relatives à la chasse et à la faune sauvage). Une modification sémantique qui ne changera rigoureusement rien à l’autorisation de destruction systématique dont il est l’objet !
– Le 23 mai prochain, en Vaucluse, la Commission Départementale de la chasse et de la faune sauvage (CDCFS) va donner au préfet son avis sur la liste des espèces à classer « susceptibles d’occasionner des dégâts » dans notre département.
En effet, en application de l’article R. 427-7 du Code de l’Environnement, c’est le préfet qui détermine, parmi la liste nationale, les espèces classées « nuisibles » dans son département. La situation locale, la santé et la sécurité publiques, la prévention de dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles, la protection de la flore et de la faune, sont prises en compte.
Le classement d’une espèce sur la liste départementale ne s’effectue pas nécessairement sur la totalité du territoire, il peut être assorti de conditions spécifiques notamment géographiques. C’est, en Vaucluse, le cas du sanglier.
Classés « nuisibles », les animaux peuvent non seulement être chassés, mais ils « bénéficient » d’un droit à la destruction systématique par le propriétaire de l’endroit où ils passent. Cette destruction est spécifique, différente de la chasse. Elle peut mettre en œuvre tous les moyens que l’homme se plait à inventer pour piéger, faire souffrir et mourir
Qui veut tuer le renard l’accuse :
– de prédations sur les espèces sauvages et domestiques ; Or on sait qu’aucun renard n’a jamais franchi les grillages d’un poulailler bien fermé, et qu’il « a un impact positif sur la régulation des populations de rongeurs et participe à la sélection des meilleurs et à l’élimination des faibles, des malades et des morts, évitant ainsi pullulation ou épidémies » (ONF) . Son intérêt d’auxiliaire de l’agriculture est tel que dans le Doubs, des agriculteurs plaident pour son retour (article de l’Est Républicain) . On comprend les agriculteurs lorsque l’on sait (travaux de Sargeant en 1978 et Lloyd en1980) que des renards roux adultes ingèrent de 381 à 421 g par jour pour les femelles et 442 à 489g par jour pour les mâles. Rapporté au poids moyen d’un micromammifère (de 20 à 30 g selon l’espèce), le renard roux consomme chaque année de 3800 à 6300 micromammifères
– de transmettre des maladies :
Notons qu’en France la rage du renard a été officiellement éliminée en 2001.(ONF, même article que ci-dessus)
La gale sarcoptique : dermatose parasitaire liée à un acarien, elle est mortelle pour le renard, et peut se traduire par une très forte diminution des populations . Il est légitime de s’interroger sur une possible transmission du parasite à l’homme. À ce sujet, L’ONCFS via le réseau SAGIR précise : Le parasite n’infeste pas l’homme mais il peut y avoir une réaction allergique (qui régresse rapidement) lors d’un contact avec un animal très infesté. Il n’y a donc pas de risque sanitaire pour l’homme par rapport à cette maladie.
L’échinococcose alvéolaire, maladie grave, heureusement peu fréquente (30 cas par an en France), dont le renard est vecteur, comme peuvent l’être également les chiens et plus rarement les chats. Pour réaliser son cycle, le parasite en cause a besoin de deux hôtes, un intermédiaire (certaines espèces de rongeurs) et un définitif (un canidé, parfois le chat). En Europe, le renard fait partie des hôtes définitifs. Les œufs du parasite sont excrétés avec les fèces de l’hôte définitif, et l’homme peut les ingérer soit en consommant de la nourriture contaminée (via par exemple des cueillettes dans la nature) soit au contact direct d’animaux porteurs. L’homme ne peut transmettre le parasite. Les travaux scientifiques, les « expériences » grandeur nature d’éradication du renard, ont été coûteux et contre productifs. Des méthodes alternatives, telles que le recours aux appâts anthelmintiques, seraient plus efficaces (lire à ce sujet le remarquable article réalisé par le Collectif Renard Grand Est » et voir aussi la vidéo « le renard roux, cet incompris »)
La maladie de Lyme : Une étude de 2012 aux Etat Unis, suggère que le déclin du renard roux a eu pour conséquence l’augmentation de la maladie de Lyme en raison de la diminution de prédation. En 2017, c’est aux pays Bas qu’une autre étude démontre que le nombre de larves de tiques sur deux espèces de rongeurs, le campagnol roussâtre et le mulot sylvestre, diminuent quand l’activité de prédation du renard roux et de la fouine augmentent ! Le renard serait donc plutôt utile dans le cadre de la lutte contre cette maladie en progression.
– de nuire à la faune et à la flore :
En contribuant à la dissémination de graines, il participe au contraire à la diversification de nos paysages. Il est vrai qu’il croque parfois un lièvre ou un faisan mais ce n’est, de loin pas son ordinaire…
Qui veut tuer le renard ?
On l’aura compris, pas les défenseurs de l’environnement et de la biodiversité que nous sommes.
Pas les agriculteurs, qui en ont besoin.
Pas les chasseurs (une partie des propos ci-dessus sont extraits de sites ou de documents de l’ONF ou de l’ONCFS)
Pas les scientifiques, ni les responsables de la santé publique, qui bien informés, et suivant de près les études fiables, reconnaissent l’utilité de ce prédateur rendant des services écosystémiques.
Resteraient les DDT dont certaines témoignent d’une réelle inertie à prendre en compte le fonctionnement actuel des écosystèmes.
Quoiqu’il en soit, FNE Vaucluse va mettre à profit la réunion de la prochaine commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, pour demander au préfet, qui en a le pouvoir, de bien vouloir supprimer le renard de la liste des espèces « nuisibles » en Vaucluse.