Très intéressante conférence que celle qui nous a été proposée par l’association La Nesque Propre : Dans la salle de conférence de la médiathèque de Pernes-les-Fontaines, plus d’une centaine de personnes étaient venues écouter le naturaliste Pierre Rigaux évoquer le retour de la loutre en PACA.
Il s’agit de la loutre d’Europe, un animal qui mesure environ 1,20 mètre de la pointe du museau à la pointe de la queue, et qui pèse dans les 6 kg, le pois d’un beau chat, mais, comme le dit Pierre Rigaux, « avec une extrême impression de force tonique »
Ce mammifère, abondamment chassé comme nuisible (et aussi pour la qualité de sa fourrure) jusque dans les années 1980, a bien failli disparaître de France : seule une frange du littoral atlantique et un petit secteur du massif central entre Creuse et Puy de Dôme étaient encore occupés. Classée animal protégé, la loutre a regagné toute seule un important territoire, au fil des rivières à portée de ses explorations. Elle est avérée le long du Rhône (arrivée entre autre par l’Ardèche), soupçonnée de fréquenter la Durance, espérée entre Ouvèze et Sorgue.
La loutre d’Europe est un animal solitaire, mais joueur. C’est sans doute à cause de sa grande discrétion (elle affectionne les abris à proximité d’une rivière dans laquelle elle se glisse à la moindre alerte), que vous ne la verrez jamais prendre le soleil un sudoku à la patte. En revanche, vous aurez quelque chance de repérer les traces de ses roulades dans la neige ou bien, toujours dans la neige, des toboggans propices aux glissades ludique jusqu’à l’eau. Dans ce cas, vous pourrez sans crainte de vous tromper penser que vous êtes en présence d’une famille : mère et loutrons. En effet, tant qu’à être solitaire, monsieur loutre ne privilégie pas les liaisons de longue durée, abandonnant sa compagne après les 2 ou 3 jours de rigueur.
Madame assume donc une portée qui n’excède pas les trois individus, et qu’elle essaye d’amener à maturité, prenant « le temps qu’il faut », de quelques mois à un an. Pour la mise bas, elle squatte un terrier de ragondin, une hutte de castor, un abri naturel entre des racines d’arbre rivulaire. Pierre Rigaux dit qu’elle « creusouille » vaguement à l’occasion. Nous, nous pensons qu’il lui faut ménager ses belles pattes palmées !
Des pattes courtes et palmées, qui ne nuisent en rien à la pure merveille d’hydrodynamisme qu’est son corps, bien protégé par une fourrure d’une époustouflante densité. (Ce qui explique l’intérêt des manteaux en loutre, mais n’insistons pas !). Malgré cette formidable adaptation à l’élément liquide, la loutre a besoin de venir respirer, manger, se reposer, batifoler et déféquer à terre.
Heureusement, car le plus souvent, nous devons nous contenter des traces du passage de la loutre. En Vaucluse ce sont rarement des empreintes dans la neige, et les naturalistes se livrent à une joyeuse chasse aux crottes. Nous n’avons pas manqué de mettre le nez sur celles que Pierre Rigaux avait amenées : il s’en dégage une odeur d’aliments pour poissons d’aquarium : rien à voir avec l’odeur de certaines STEP
En dehors du Rhône, y a-t-il des loutres en Vaucluse ? La majorité des rivières, du fait de leurs assecs ne conviennent pas vraiment aux mœurs de ce mammifère. Restent les Sorgues et la Durance… La plupart du temps, la présence de l’animal demande à être confirmée, car des traces de passage ne sont pas des traces d’habitat chez cette exploratrice qui peut s’établir sur 30Km de rives et en investiguer bien plus. Il faudrait photographier des petits, mais la loutre, à fréquenter les hommes, en est venue à déplacer son activité vers le soir et la nuit…
Faut-il craindre le retour de la loutre ? L’homme ne supporte aucun autre prédateur que lui-même, il est donc à craindre que cette mangeuse de poissons (mais pas que : la loutre met également à son menu des batraciens et des petits mammifères) soit rapidement pourchassée. Notons qu’aujourd’hui, le département français qui accueille la plus importante population de loutres est la Creuse … qui est aussi le département accueillant le plus fort contingent de touristes amateurs de pêche en rivière.
Reste que la loutre n’est pas la bienvenue lorsque l’on fait de la pisciculture son gagne pain. A ce sujet, la trajectoire de Stephane Raimond, pisciculteur devenu fin observateur de la loutre est exemplaire : nous lui devons les plus belles photos française de loutre d’Europe …et les méthodes (grillages et autres) de protections les plus sûres pour ses collègues ! (à l’affut des loutres)
Photos sur le site de La Nesque Propre