Il était vieux, malade et fatigué, ce qui ne l’avait pas empêché d’accepter avec enthousiasme de venir à Mazan, en mai prochain, nous parler de la diversité de la vie qu’il connaissait si bien.
Atypique, il préférait l’Afghanistan, où il avait longuement herborisé, aux Seychelles, car dans leur ciel lui manquait « son » étoile, l’étoile polaire …
Sa connaissance de la botanique était encyclopédique, mais il n’avait de cesse de la partager et il avait l’humilité des vrais savants, qui reconnaissent qu’ils ont encore beaucoup à découvrir.
Son savoir, et non une crainte quelconque du progrès, en avait fait un contradicteur pertinent et convaincu des tenants des OGM, des intrants et des pesticides qui stérilisent la terre et éradiquent la biodiversité
Il considérait la variété des formes de vie comme un bien infiniment précieux et, certain de l’absolue nécessité de les protéger, avait joint sa voix à celle des opposants à l’aéroport de Notre Dame des Landes.
Avant que ce ne fut à la mode, il plaidait déjà : « Au fond, ces plantes qui disparaissent, quelle importance ? Puisqu’elles ne servaient à rien et que, de surcroît, elles ne nous servaient à rien. Certes, nous ignorons généralement tout du rôle qu’elles jouaient dans les équilibres de la nature. Quelle était leur place dans le puzzle complexe des relations qui lient entre eux tous les vivants ? Nous n’en savons rien ! Mais leur départ appauvrit la nature. Et puis, est-il si sûr qu’elles ne nous auraient jamais servi à rien ? Et si l’une d’elle avait contenu une substance active contre le cancer ? Et si une autre dégageait un parfum encore inconnu pour n’avoir point été repéré en raison de sa rareté ? Et si une autre encore contenait dans ses fruits une huile aux propriétés particulièrement favorables ? Bref, que savons-nous des plantes que nous n’avons jamais étudiées et que nous avons laissé disparaître sans nous en préoccuper ? » (Mes plus belles histoires de plantes, Fayard, 1986)
Il n’était pas pour autant « anti-tout », et avait accepté de s’engager politiquement auprès de son ami Jean-Marie Rausch, maire de Metz, mettant ses principes en application pour faire de Metz une ville accueillante et verte : la nature en ville, c’est lui !
Son amour de la nature et son amour du prochain étaient indissociables ; ils formaient un tout avec sa foi profonde en Dieu.
Il partageait la sensibilité de François d’Assise « meilleur représentant européen du réseau de traditions qui, d’un bout à l’autre de la planète et depuis des temps immémoriaux, ont chanté la beauté et la clémence de la nature et de son créateur ». Nombre de ses livres nous donnent à lire le « cantique des créatures » ; mais il aimait aussi cette prière iroquoise « Nous rendons grâces à notre mère, la Terre, qui nous soutient. Nous rendons grâces aux rivières et aux ruisseaux qui nous donnent l’eau. Nous rendons grâces à toutes les plantes, qui nous donnent les remèdes contre nos maladies. Nous rendons grâces au maïs et à ses sœurs les fèves et les courges, qui nous donnent la vie. Nous rendons grâces aux haies et aux arbres qui nous donnent leurs fruits. Nous rendons grâces au vent qui remue l’air et chasse les maladies. Nous rendons grâces à la Lune et aux étoiles qui nous ont donné leur clarté après le départ du Soleil. Nous rendons grâces au Soleil qui a regardé la Terre d’un œil bienfaisant. » (La terre en héritage, Fayard, 2000)
Petit enfant, on lui avait appris à identifier l’étoile polaire. Elle était un repère dont il avait besoin, espérant qu’un jour, elle le conduirait à la rencontre de l’enfant divin dans l’amour infini duquel il croyait. Le 23 décembre 2015, c’est arrivé.